Miroirs convexes

Parmi les objets curieux qui font partie du décor des tableaux flamands du XVe siècle, le miroir convexe occupe une place particulière. Appelé miroir de sorcière, et aussi miroir de banquier, parce qu’il lui permettait de surveiller sa boutique, le miroir convexe apparaît dans l’histoire de l’art en même temps que ces deux révolutions qui sont la peinture à l’huile et la perspective. Originaires de Venise, fabriquées avec du plomb ou du mercure appliqué sur la surface concave d’une boule de verre soufflé, ces petits miroirs bombés semblent être très à la mode dans la peinture de la fin du Moyen Âge, avant de se raréfier vers le XVIe siècle, où ils disparaissent pour être peu à peu remplacés par les miroirs plans.
Chez Petrus Christus, Quentin Metsys et Jan van Eyck, le miroir étend le champ visuel et laisse entrevoir un tableau qui n’a existé, éphémère, que dans le regard du peintre : une vision fragmentée de l’autre côté de la pièce, un aperçu de la rue. Placé à l’arrière-plan, il offre une vision du monde sphérique, incluant l’image floue d’autres personnages situés dans les marges. Le miroir raconte une scène différente de celle que nous regardons. Ce que nous devrions voir reste mystérieux, comme le jeu de perspectives simultanées recherchant la profondeur grâce au trompe-l’œil, étranges et imparfaites dans ces surfaces réfléchissantes qui enrichissent la description de l’espace en lui donnant un second degré. S’agit-il d’une représentation de la vanité ou de la connaissance ? S’agit-il d’une métaphore religieuse pour rappeler, par exemple les mots de la première Epître aux Corinthiens : maintenant nous voyons dans un miroir, en énigme ? Ou simplement, une image de l’œil de l’artiste, qui commence à participer à son propre tableau, à s’y introduire à travers la signature ? Dans tous les cas, le miroir convexe devient au XVIe siècle objet allégorique, où les dames ne trouvent plus l’espace environnant mais le temps qui fuit et la hantise de la mort. Il n’est plus accroché ou placé sur une table, mais tenu par un personnage qui y contemple son reflet, comme chez Bellini et Lucas Furtenagel. La vision architecturale globale et miniaturisée laisse la place aux questions personnelles.
À partir de cette époque, le motif du miroir convexe est davantage choisi pour représenter la subjectivité, surtout dans les autoportraits, comme celui du Parmesan sur un panneau de bois bombé. Le peintre se situe au centre de l’espace, et la forme du tableau reproduit le miroir lui-même, dans une expérience unique destinée, selon Vasari, à explorer toutes les subtilités de la peinture, où l’œuvre devient le reflet et la copie exacte du miroir.





Image: Wikimedia Commons


02-06-09

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