Rouge & Burnand à Aigle

   L’un a connu de son vivant un succès durable en France, et ses tableaux se retrouvent actuellement dans des musées du monde entier, l’autre est resté plus près de ses paysages des Alpes vaudoises. Tous les deux ont évolué dans la période charnière entre l’épuisement de l’impressionnisme et l’éclosion des différentes variantes d’art moderne, mais en restant à l’écart des avant-gardes, des mouvements et des tendances. Tous les deux ont également cultivé un style réaliste dans de nombreux portraits, vues montagnardes et scènes de genre. Eugène Burnand et Frédéric Rouge ont façonné une mémoire collective à l’aide de sujets familiers et de subtilité technique, faisant des chasseurs, pêcheurs et paysans les acteurs principaux d’un univers paisible et grave, où les gestes de la vie quotidienne et du travail apparaissent simplement, sans filtres et sans arrière-plan culturel, sauf dans les scènes d’inspiration historique ou religieuse. Leurs œuvres ont été souvent reproduites, reconnues, peut-être en réponse au profond enracinement tellurique de ces deux peintres. Leurs parcours artistiques, avec leurs parallélismes et divergences sont actuellement mis en perspective au château d’Aigle jusqu’au 4 novembre, ainsi qu’au Musée Burnand, à Moudon.

Né à Moudon en 1850,  Eugène Burnand  s’installe assez tôt à Paris, où il étudie la peinture, il voyage ensuite en Italie et dans le Midi de la France. Ses œuvres incluent des gravures, des nombreuses illustrations, des dessins au pastel, comme ces portraits de militaires réalisés en 1915, des œuvres décoratives, comme cette grande toile, évoquant le Mont-Blanc, marouflée sur le plafond de la Grande Salle du restaurant Le Train bleu. Quant à ses décors campagnards, tels celui des Glaneuses, ils sont imprégnés d’une lumière poudreuse et vibrante qui bleuit à l’horizon, pas très éloignée de celle qui apparaît dans certaines compositions de Segantini. On pourrait également trouver un écho de Segantini en regardant certains tableaux de Frédéric Rouge (1867-1850), surtout ses Alpes vaudoises baignées d’une clarté douce et froide, avec des reflets en trompe-l’œil. En dehors de quelques séjours à Paris ou à Florence, Frédéric Rouge passe l’essentiel de sa vie à Aigle et à Ollon, trouvant sur place son inspiration et ses modèles, interprétant la nature à sa guise et éloigné des circuits officiels de l’art, mais déployant des qualités qui lui étaient propres et qui mériteraient d’être redécouvertes.     



Frédéric Rouge - Eugène Burnand : une rencontre, du 31 mars au 4 novembre 2012, http://www.chateauaigle.ch/fr/chateau/expositions/espacerouge

Une exposition parallèle se tient au musée Burnand de Moudon avec le même thème :

Eugène Burnand, Les Glaneuses, source: Wikipedia

Frédéric Rouge, Les Alpes Vaudoises (1918). Courtoisie de la Fondation F. Rouge


Fuite de Charles le Téméraire à travers le col de Jougne. Source: http://famille-lechot.ch/pictures/jougne.jpg

Commentaires

  1. De Mr F. Rouge que je ne connaissais pas, le portrait du braconnier, par exemple, est superbe ainsi que la lumière des Alpes.
    Par contre ses "portraits" de vaches...ne provoquent chez moi aucune émotion (si tant est que les vaches peuvent provoquer ce genre de sentiment...peut-être bien?)

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  2. Merci pour ton commentaire, c'est vrai que je préfère aussi ses paysages. Concernant celui que j'ai mis en photo, j'avais eu du mal à voir que le reflet qui apparaît à gauche, comme un voile, faisait en réalité partie de la peinture, et que ce n'était pas un reflet à l'extérieur du tableau. C'est pour cela que j'évoquais le trompe-l'oeil.

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    1. Tu as raison, ce voile fait de plus une sorte de parallèle avec les nuages qui s'étirent à droite. Lever ou coucher de soleil?

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    2. Lever de soleil !

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    3. Je crois aussi : lever de soleil

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  3. Pour en revenir à Burnand, il ne faut pas oublier, au musée de Moudon, de se laisser terrifier par le regard halluciné de Charles le Téméraire fuyant le champ de bataille après sa défaite! Ni de se poser au milieu de ses paysages avec ou sans vaches qui sont les paysages qui m'environnent chaque jour, où je peux reconnaître les villages parfois.

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  4. Merci pour l'image du piteux Charles, Inma! Avez-vous visité le musée Burnand de Moudon. Si non, dites-moi quand vous y allez.
    Amicalement.

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  5. Dans deux ou trois semaines environ, après pâques, je ne manquerai pas de vous faire signe

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  6. Merci d'évoquer l'événement à ceux qui le vécurent du mauvais côté et qui en supportèrent les conséquences territoriales en Basse-Broye...

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  7. Frédéric Rouge m'était inconnu. Je connaissais Eugène Burnand pour une illustration de "Mireille" de Frédéric Mistral!

    En exergue :

    « À Lamartine
    Je te consacre Mireille : c'est mon cœur et mon âme ;
    C'est la fleur de mes années ;
    C'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles
    T'offre un paysan »

    Il a illustré de nombreux ouvrages.
    http://www.livre-rare-book.com/t/main/101129021-burnandEugene/books/AUTHOR_AZ/0/fr


    Je note pour Eugène Burnand dans Wikipédia :
    "Il s'éteint d'une pneumonie à son domicile parisien le 4 février 1921 à 21 heures, son épouse épuisée ne peut assister à ses funérailles et le rejoint dans la tombe cinq semaines après."

    On peut entendre la voix de Frédéric Rouge ici (en bas de page). C'est toujours émouvant d'entendre les voix. Cet artiste a fière allure avec sa belle barbe et son chapeau.

    http://www.frederic-rouge-peintre.ch/

    J'imprime dans ma mémoire cette expo pour ma prochaine escapade.
    Projeter, pour survivre.

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  8. Projeter, pour survivre, en effet. Dans mon cas, c'est plutôt du domaine du rêve. La nuit, je cherche sur le net des parfums disparus, des croisières qui devront attendre une année ou deux et des très vieilles catiches à vendre (cela m'a toujours surpris, la quantité de châteaux à vendre en France, pour le prix d'un 4,5 pièces à Pully) qui resteront des rêves.

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