Chutes libres
A propos de Chutes
libres, de Dani Boissé
Si
les chats retombent sur leurs quatre pattes, c’est qu’ils savent se retourner
pendant la chute. Le même principe devrait s’appliquer en matière littéraire,
en particulier aux romans et nouvelles qui offrent un retournement final –que l’on
appelle twist ending au cinéma- à des
histoires dont la banalité ou la correspondance avec certains clichés ne
laissait entrevoir une telle conclusion. Ce principe est un défi pour l'imagination, une invitation à multiplier les angles de vue et à développer des
interprétations différentes d'un même récit. C’est avec plaisir qu’on le retrouve dans ces Chutes libres : tout au long des vingt-quatre
brèves nouvelles qui composent le recueil, le lecteur fera connaissance avec des
grand-mères rêveuses, avec une femme persécutée par un homme masqué et portant
une cape noire, avec des amoureux contrariés, des animaux fins observateurs de
la nature humaine, voire des conspirateurs du quotidien, ou des vieilles dames,
au-dessus de tout soupçon, qui s’adonnent néanmoins à d’étranges loisirs.
Il s’agit de nous emmener le long chemins
détournés, après nous avoir ouvert une lucarne sur des parcours prévisibles,
des vies obscures ou des biographies où l’on croit deviner facilement ce qui va
se passer, car elles s’inscrivent dans des genres connus –nouvelle policière, récit
fantastique, histoire d’amour ou souvenir de famille-. Le style et l’atmosphère
classiques semblent souligner le calme d’une petite ville de province ou d’une
campagne françaises, la transparence des bonnes intentions, le respect des
convenances ou l’apparente immobilité des destins juste avant le (dernier ?)
rebondissement.
Certaines, parmi ces chutes, sont vraiment
inattendues, dans d’autres, on reconnaît des procédés de surprise éprouvés,
comme le réveil qui vient dénouer une situation inextricable, développée dans les méandres d’un rêve, ou le grain de folie qui brouille les
lignes du réel les mieux tracées. Le
narrateur joue avec assez d’habileté avec les attentes et les idées reçues du
lecteur, avec ce qu’il croit savoir d’avance et ce qu’il croit apprendre par la
suite, car c’est toujours un jeu qui peut se terminer dans un grand éclat de
rire, ou même par une relecture, afin de savoir à quel moment on a laissé
passer l’information essentielle et subtilement distillée, tout en sachant que,
au fond, l’un des grands plaisirs de l’amateur d’énigmes est d’être dupé.
Chutes libres. Nouvelles, Dani Boissé,
Les Presses Littéraires, 2012
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