Traduire Hannah
A propos de « Traduire Hannah », de Ronaldo
Wrobel
Comment
s’est-il retrouvé dans cette galère ? À cause de la peur ou, plus
vraisemblablement, de l’ennui ? Pour Max, le personnage principal de ce
roman, cordonnier discret à Rio de Janeiro dans les années 1930, le mariage et
les histoires d’amour sont des sources d’embrouilles, dont il se tient à une
distance prudente, du moins avant qu’il ne rencontre Hannah, ou du moins une
version de Hannah, par voie épistolaire. Lorsque la police, à la recherche de
subversions et autres conspirations, l’oblige à traduire le courrier de la
communauté juive de Rio, écrit en yiddish, Max découvre soudainement tous les
secrets de ses voisins, leurs lectures, médisances, regrets, ambitions et
rêves, mais, dans le lot, il y a aussi les lettres aussi banales qu’énigmatiques
envoyées par une certaine Hannah, qui vient de se marier, à sa sœur, installée
en Argentine.
Intrigué,
le traducteur part à la recherche de la jeune femme, et finit par la retrouver
et en tomber amoureux ; l’intrusion de Hannah dans le récit est pourtant celle
d’un monde romanesque et inattendu, où les apparences s’effacent pour laisser
la place à d’autres ombres : souvenirs du passé dans le shtetl polonais,
que les immigrés juifs tentent de conserver à travers le langage et les
traditions. Chacun garde une part d’histoire, une identité cultivée avec
nostalgie ou mise à l’écart comme un objet encombrant. Un passé qui forme un
joli contraste avec la nouvelle vie au Brésil, plus calme et cependant pas dépourvue d’inquiétudes et de menaces. Il
y sera question de coutumes, d’assimilation, d’intrigues politiques de plus en
plus compliquées impliquant des prostituées et des agents secrets, de mensonges
et de vérités qu’il faudra regarder de loin pour comprendre. Afin de lire entre
les lignes, une trop grande proximité n’est pas précisément un avantage, et une
correspondance surveillée peut cacher autant d’aveux que de pièges destinés à
l’espion débutant. C’est là l’aspect le plus original de ce roman : des
chemins narratifs qui bifurquent et déjouent les prévisions du lecteur pressé.
Traduire Hannah, de Ronaldo Wrobel, traduit du brésilien par Sébastien
Roy, Métailié 2013
Commentaires
Enregistrer un commentaire