La Théorie des cordes

À propos de La Théorie des cordes, de José Carlos Somoza

    Une expérience inédite, destinée à explorer les dimensions des « cordes du temps » projette un groupe de scientifiques dans un cauchemar qui les atteint bien au-delà du monde de la physique théorique. Lorsqu’Elisa Robledo est engagée par une obscure organisation gouvernementale pour prendre part à des recherches basées sur la théorie des cordes et destinées à visualiser et enregistrer des images de temps anciens, la jeune physicienne est loin d’imaginer les répercussions de son travail et de celui de ses collègues. Isolée dans un improbable laboratoire situé dans une île de l’océan Indien, l’équipe menée par le professeur Blanes fait des découvertes étonnantes, observe l’ère Jurassique ou la Jérusalem de l’époque du Christ, mais la promiscuité et les conditions particulières du séjour révèlent des antipathies et des tensions parmi les chercheurs. Le fait qu’ils ne connaissent pas les implications politiques du projet ou ses applications possibles dans le domaine militaire contribue à installer une ambiance de peur et de soupçon, où chacun se sent surveillé et sur le point d’être trahi. L’expérimentation se termine brutalement par un accident, qui mène à la dispersion du groupe et, pour Elisa, à un travail beaucoup moins risqué dans une université madrilène. Dix ans plus tard, le projet autrefois appelé « zigzag » hante toujours sa vie quotidienne et semble ne pas avoir pris fin. Quelqu’un, ou quelque chose, contrôle ses désirs et ses pensées. Aussi, ses anciens collègues sont victimes d’agressions inexplicables, et plusieurs en meurent. À l’aide du professeur Blanes et de son ami Victor, Elisa essaie de joindre les scientifiques survivants et de comprendre ce qui est réellement arrivé sur l’île.

     Ce roman, qui mêle des éléments de thriller et de science-fiction assez convenus, comme des filatures et des poursuites, ainsi que des expériences secrètes,  met en scène une variante du thème de l’apprenti sorcier, où la transgression de lois fondamentales entraîne des suites indésirables et dangereuses. Son caractère original se trouve dans l’absence de paradoxes classiques du voyage dans le temps (le paradoxe du grand-père et celui de l’écrivain) : il ne s’agit pas d’intervenir dans une autre époque, mais de s’interroger sur les conséquences imprévisibles d’un événement apparemment anodin. D’une part, l’impossibilité de changer le moindre détail du passé rend l’avenir nécessairement incertain, car ce qui ne peut être modifié ne peut pas davantage être planifié « de l’extérieur » pour obtenir un certain résultat. D’autre part, comme chez Héraclite, « On ne peut pas entrer une seconde fois dans le même fleuve, car c'est une autre eau qui vient à vous ; elle se dissipe et s'amasse de nouveau ; elle recherche et abandonne, elle s'approche et s'éloigne. Nous descendons et nous ne descendons pas dans ce fleuve, nous y sommes et nous n'y sommes pas » ; chaque  idée, émotion, intention prise chez une personne à un moment déterminé est unique et ne peut pas être répétée ou figée dans un éternel présent. Le passé est définitivement un pays étranger, parsemé, dans le roman, d’innombrables failles, qui sont autant de malheurs oubliés reprenant une force inattendue lorsqu’on essaie de les actualiser.   






La Théorie des cordes, de José Carlos Somoza, traduit de l’espagnol par Marianne Million, Actes Sud, 2007

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