Pastels du XVIe au XXIe siècle


Pastels du XVIe au XXIe siècle. Liotard, Degas, Klee, Scully...
Du 2 février au 21 mai 2018, à la fondation de l'Hermitage, Lausanne

Pastel. Le mot évoque la douceur, le velouté, un monde fait de dentelles et de crinolines chatoyantes, mais aussi d'atmosphères brumeuses et d'intérieurs silencieux. Cette technique picturale, qui connut son apogée au XVIIIe siècle, assurait, sur la toile, et surtout sur le papier, une grande plasticité d'utilisation, et un rendu brillant et inaltérable des couleurs. Développé probablement à la fin du XVe siècle, le dessin au pastel se décline aussi bien dans le portrait que dans le paysage, dans la nature morte, l'étude ou l'abstraction. Les 150 œuvres qui sont exposées, jusqu'au 21 mai, à la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne, issues de collections publiques et privées de Suisse, reflètent l'étonnante variété des usages de cette technique à travers les âges, écoles et styles.

A l'origine, le pastel n'était pas le nom d'une sorte de craie utilisée dans l'art, mais celui d'une plante tinctoriale, Isatis tinctoria, cultivée notamment dans le Lauragais, dans le sud-ouest de la France, qui produisait un pigment, appelé pastel des teinturiers, permettant de teindre des tissus en bleu. Pendant deux siècles, et avant d'être évincé par un autre colorant, l'indigo importé d'Amérique, le Pastel avait fait la fortune de la région, car le marché des colorants textiles avait une importance économique majeure à l'époque, en tenant compte de la difficulté pour obtenir une coloration permanente d'un bleu intense. Cette nuance de bleu a ensuite donné son nom à des bâtonnets composés de craie, de pigments minéraux ou végétaux (y compris ceux issus du pastel), et de différents liants, qui peuvent être secs (durs ou tendres) ou gras (à l'huile ou à la cire). Le pastel des artistes commence à être employé, comme la mine de plomb ou le fusain, sur du parchemin ou du papier, avec les mêmes usages : études, esquisses... On trouve également assez tôt des œuvres achevées, autonomes, des dessins rehaussés au pastel, chez Fererico Barocci ou Jacopo Bassano. Cependant, il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que la technique du pastel soit pleinement reconnue et recherchée, notamment pour des portraits. Parmi les artistes de cette époque, certains noms ont une place importante dans cette exposition : Rosalba Carriera, Jean-Etienne Liotard, Maurice Quentin de La Tour... Leurs portraits possèdent autant de délicatesse que de réalisme. Les carnations sont douces, mais on voit apparaître les signes de l'âge ; les vêtements sont soyeux, parfois d'aspect exotique, tandis que les regards transmettent une certaine mélancolie. Le pastel est l'un des symboles de la grâce et de la fragilité d'un temps et d'une société en voie de disparition. Peu a peu, pourtant, le pastel se démode, au profit de la peinture à l'huile, mieux adaptée aux grands formats et à la peinture académique du siècle suivant. Il demeure une technique de base, comme l'aquarelle, qui produit en particulier des effets vaporeux et lumineux qui vont tout naturellement intéresser les peintres impressionnistes. C'est ainsi que le pastel connaîtra une renaissance dans la seconde moitié du XIX e siècle.

A cette époque, le pastel commence à être utilisé dans la peinture de paysages, comme chez Boudin et Sisley. Aussi, il sert à représenter des scènes d'intérieur, aux éclairages tamisés. C'est un médium idéal pour faire revivre, chez Degas, les coulisses de l'opéra et l'univers de la danse. Un tableau, montrant précisément des danseuses au repos, et appartenant aux collections du musée, fait d'ailleurs partie de l'exposition. L'usage du pastel devient très populaire chez les artistes de la fin du XIXe siècle : les symbolistes Odilon Redon, Khnopff ou Lévy-Dhurmer ; les Nabis comme Denis et Vuillard, avant d'être une technique picturale également prisée des artistes d'avant-garde du siècle suivant, comme Picasso, Miró ou Klee. L'exposition se termine avec un aperçu d'usages contemporains du pastel, avec des œuvres d'artistes actuels ou ayant déroulé leur activité au XXe siècle, ainsi qu'un mur dédié à cet événement, peint par un jeune artiste suisse. On quitte cette exposition avec des images de fraîcheur et légèreté, et l'empreinte persistante d'époques révolues, laissée paradoxalement par des pigments d'une grande volatilité.


Edouard Manet. La Viennoise Irma Brunner, (1880-1882). Collection privée

Federico Barocci. Tête de jeune femme, 1585-1590, fusain,
 sanguine et pastel, 25,5 x 21,8 cm. Collection particulière.


Jean-Etienne Liotard - Madame André Naville,
 née Susanne des Arts, 1777. Collection privée

Jean-Etienne Liotard. Madame Paul Girardot de
Vermenoux, née Anne-Germaine Larrivée, remerciant
Apollon de se guerison. 1764
Maurice Quentin de La Tour. Auroportrait dit "à l’œil de bœuf",
 vers 1737. Musées d'art et d'histoire. Ville de Genève


Firmin Baes. La Petite fille au chou, vers 1903, collection privée



Edgar Degas. Danseuses (danseuses au repos), vers 1898.
Fondation de l'Hermitage, Lausanne


Eugène Grasset, Lac Léman en hiver, sans date.
Musée Jenisch, Vevey



Commentaires

Articles les plus consultés